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L'enfant aux racines inconnues

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Par Micka -  17 Mars 2024

A celles et ceux qui me liront, je vous adresse mes chaleureuses salutations, non seulement de la part de l'enfant et de l'adolescente que je fus, mais surtout de la femme accomplie que je suis devenue aujourd'hui, actrice de ma propre vie.

Enfance brisée

La découverte de mon adoption a déclenché en moi une tempête d'émotions, je me suis sentie à la fois trahie et indésirable. Ma mère adoptive m'avait caché cette vérité, et mes parents biologiques m'avaient, dans mon esprit, simplement abandonnée.

Un sentiment d'abandon

À l'âge où l'on atteint la maturité et la lucidité, j'ai compris avec désolation que je n'étais pas qu'orpheline, mais en plus que j'étais sans famille et que mes racines m'étaient totalement inconnues !

Peut-être que ma mère se trouvait quelque part, avec ou sans remords, et qu'elle continuait à mener sa vie, peut-être qu'elle était réellement morte ! Une chose est sûre, je suis née à la maternité de l'hôpital Prince Régent Charles à Bujumbura dans les années 60.

Souvenirs douloureux

Souvent, je dormais recroquevillée sur le seuil de la porte où « ma mère » avait souvent l'habitude de me laisser pour me punir – je ne sais pour quelle faute – pour mériter des nuits de frayeur ! Heureusement pour moi, il n'y avait pas de loups à Bujumbura !

Oui, j'étais une enfant battue, une enfant martyr. Quand je jouais dans une carcasse de vieille voiture avec des petits garçons de mon âge, nous avions à peine 6 ans, elle m'extirpait de là manu militari et commençait à me brûler la face interne des cuisses avec des mégots en me disant que je ne devrais pas jouer avec les garçons. C'était horrible !

Les nuits dehors se suivaient et se ressemblaient. Aujourd'hui, lorsque je me promène dans les interminables rues de Bujumbura, je vois des ribambelles d'enfants qui vivent dans la rue, souvent en bandes. Certains ont l'âge que j'avais. J'ignore quel sort les a emmenés là ; à mon époque, les enfants de rue n'existaient pas. Égoïstement, j'aurais aimé avoir un petit compagnon de nuit pour m'aider à compter les étoiles dans le ciel, histoire d'oublier un instant un danger qui pouvait surgir de nulle part.

La découverte de la vérité

Un soir, réveillée dans l'obscurité d'une nuit sans étoiles par les pas d'une dame voisine, lampe à pétrole à la main pour s'éclairer vers la seule toilette commune, j'ai entendu ses murmures audibles en swahili (mes voisins à Bwiza étaient tous des Congolais) : « Humm, on voit bien pourquoi elle maltraite ce pauvre enfant, c'est parce que ce n'est pas le sien !» J'ai compris et appris que ma mère n'était pas ma mère.

Je ne sais pas comment elle l'avait appris, mais qu'à cela ne tienne, le ciel venait d'être témoin d'une triste et amère révélation. Depuis cette nuit, dans la tête de la petite enfant que j'étais, tout a basculé. Pourtant, cette dame avec sa lampe à pétrole qui compatissait de me voir là, ni elle ni les autres voisins n'ont jamais pensé à me prendre dans leur maison pour m'allonger sur une petite natte, histoire de me réchauffer le cœur l'espace d'une nuit, alors que j'avais l'âge de leurs enfants. Petit à petit, j'ai compris que mes malheurs étaient ceux d'un autre et ne touchaient personne, même si la compassion n'a jamais aidé personne, un geste minime fût-il…

L'orphelinat

Vers l'âge de 10 ans, l'assistante sociale de l'école Notre-Dame et la seule personne que je soupçonne de connaître ma vraie histoire (l'institutrice apparentée à ma mère adoptive qui refuse toujours de me renseigner pour des raisons que je préfère taire) ont statué sur mon sort et décidé de m'arracher à ma mère adoptive. Elles m'ont envoyé à l'orphelinat avec l'accord des autorités. J'étais triste de devoir la quitter malgré la souffrance qu'elle m'infligeait. Je l'aimais, c'était ma mère, je ne connaissais qu'elle.

Certaines femmes ou mères détournaient leur regard devant leurs enfants lorsque nous passions en groupe, habillés en uniforme, reconnaissables au loin parce que obligés d'emprunter toujours le même chemin qui nous menait à la messe du dimanche pour implorer secrètement Dieu de nous ramener nos parents ? Ses voies restaient pourtant impénétrables. Ces mêmes femmes crachaient par terre à défaut de cracher sur nous en disant « ehe za mpfuvyi » comme si on avait choisi d'être orphelins !

Un nom lourd à porter

Comme si cela ne suffisait pas, Imelda m'a donné le nom de NZIKOBANYANKA (je sais qu'on me déteste). Ce nom était trop lourd à porter pour un enfant orphelin ou abandonné. Il a été un fardeau tout au long de mon existence, mais aujourd'hui, j'ai appris à le supporter, à l'apprivoiser. Il m'a accompagnée, et je l'accepte désormais.

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Pardonner pour avancer

Toutes ces horreurs que j'ai vécues sont gravées dans ma mémoire d'enfant. Je n'ai rien oublié, même l'âge n'a pas effacé ces souvenirs. Cependant, j'ai réussi à pardonner afin de pouvoir vivre en paix avec moi-même et avec le monde qui m'entoure.

À la recherche de mes origines

Pour faire un enfant, il faut être deux. Curieusement, je n'ai jamais ressenti un manque de père. Toutes mes pensées tristes me ramenaient toujours à ma mère. L'enfant est toujours lié à sa mère par le cordon ombilical, et ce lien ne se rompt jamais !

Un choix difficile

Ne voulant pas souffrir davantage, j'ai tout refoulé. Je n'ai pas cherché mes parents biologiques de peur d'avoir des surprises. Lorsque j'étais prête à accepter de connaître mon histoire, c'était trop tard. Toutes les personnes qui auraient pu me renseigner étaient déjà décédées. Heureusement pour moi, la nature m'a dotée d'une joie de vivre et d'une force mentale qui m'ont permis, non pas de me résigner, mais d'accepter ma condition. Très tôt, j'ai pris la vie avec légèreté, car c'était ma destinée.

Un message d'espoir

Aujourd'hui, adulte accomplie, le vécu de mon enfance est derrière moi. Le passé m'a toujours aidée à avancer et à devenir la personne que je suis. J'ai choisi de ne pas avoir d'enfants, mais j'aide les autres à ma façon. L'honnêteté, la justice, la tolérance et la compréhension de l'autre restent mes valeurs principales.

Nulle loi au monde n'a le droit de priver un enfant de connaître ses parents, quelles que soient les circonstances entourant sa naissance. Par ailleurs, je conseille aux enfants adoptés, abandonnés ou placés de chercher leurs parents biologiques tant qu'il est encore temps. Dans ma profession d'infirmière, je rencontre souvent des enfants adoptés qui ne veulent pas connaître leurs origines. Je les comprends, mais c'est dommage !

Mon message pour les orphelins

Je ne me plains jamais de mon sort et je refuse la pitié. Je trouve que j'ai eu beaucoup de chance comparée à beaucoup d'enfants qui ont grandi comme moi. En tant qu'infirmière, je côtoie la misère humaine, la souffrance morale et physique. Je m'en suis bien sortie et je suis fière de la personne que je suis devenue. Merci la vie !

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À côté de toutes ces expériences malheureuses vécues et que des milliers d'enfants abandonnés accueillis ou adoptés continuent à subir, il y a des femmes et des hommes au cœur immense qui ne demandent qu'à le partager avec un petit bout d'innocent qui n'a qu'un sourire à offrir.

Un appel à l'action

Je remercie Vinciane et son association qui m'ont demandé de témoigner. Je voudrais également souligner la difficulté de leur action qui consiste à aider les enfants à retrouver leurs origines et leurs parents.

Je pourrais écrire des pages et des pages entières, mais je me suis limitée pour ne pas lasser le lecteur, comme je l'ai déjà évoqué. Comme le chanteur Jean-Jacques Goldman l'a si bien chanté dans sa magnifique chanson : "Le monde a ses malheurs, ses douleurs qui ne te touchent, qui ne me touchent, qui ne les touchent plus..." Que la providence bénisse l'action de Hobe Kibondo "Panser les blessures de la séparation".

Conclusion

Mon témoignage n'est qu'une histoire parmi tant d'autres. Il a pour but de sensibiliser le public à la souffrance des enfants abandonnés et orphelins, et de rappeler l'importance du respect des droits fondamentaux de tous les enfants, y compris le droit de connaître leurs origines. J'espère que mon histoire incitera les gens à adopter, à soutenir les orphelinats et les associations qui aident les enfants à retrouver leurs familles, et à lutter contre l'abandon et la maltraitance des enfants.

N'oubliez jamais : chaque enfant mérite d'être aimé et protégé.

Mots d'espoir

À tous les orphelins ou les enfants abandonnés, soyez forts ! On peut vivre sans famille, sans parents, j'en suis l'exemple. Trouvez juste votre chemin et surtout soyez reconnaissants à la vie.

Micka
Bruxelles, Belgique

Hobe Kibondo

Panser les blessures de la séparation.

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